Résumé : Une journaliste, pour avoir fait son travail, se retrouve complètement isolée de sa communauté, seule à attendre la venue des carnassiers. Ils viendront bien, une nuit, pour tout saccager et emporter la femme et sa fille. Elles survivront à la grande folie prédatrice et, de leur torture, naîtra une fille. Le temps passe, la petite grandit auprès d'autres femmes, rescapées d'autres guerres, résilientes, soignantes. Et elle retournera un jour dans son pays d'origine pour demander des explications au bourreau. Ce roman part de l'histoire vraie de la dictature haïtienne et révèle la résistance des femmes à la terreur. Des mères, des soeurs, des marraines cherchent des enfants, attendent des disparus, elles apportent leur aide à leurs semblables, humains dans un monde de carnassiers. À la filiation du sang, elles opposent une indéfectible filiation d'honneur et d'amour. Cette histoire donne la parole à celles que l'on voudrait faire taire, s'attarde aux aspects humains du conflit, et à la guerre faite aux femmes. Un roman puissant, sur l'humanité, sur ce qui nous tient en vie, nous tient ensemble, nous fait exiger le respect, attendre des réponses, des réparations. « Je suis la surprise mauvaise, la parenthèse inattendue que l'on voudrait rayer. Impossible, vois-tu ? À mon âge, je peux être ce que bon me semble, car je ne suis plus. Ces paroles ne sont pas les miennes mais celles du grand sablier. Je ne suis certainement pas de ton monde. Mon monde à moi est celui du réel et de l'humanité dans toute sa splendeur. Dans le monde d'où je viens le destin n'existe pas, pas plus que la peur ou la feinte pudeur. Voilà pourquoi j'ai pu me traîner jusqu'ici à la recherche de l'enfant, celui que vos hommes ont emmené dans la Vauxhall noire, un soir, il y a bientôt un an. Nous l'attendons, Jeanne et moi, pour tirer notre révérence car, voyez-vous, nous sommes déjà toutes les deux sur l'autre rive. » « La même nuit, après leur crime, lorsque les carnassiers abandonnent Mika sur la route, elle essaie de chercher refuge ici et là et se rend rapidement compte qu'elle n'est pas la bienvenue, même chez des connaissances, avec son fardeau de douleur. Elle n'aurait jamais pensé que des gens oseraient en pleine nuit éconduire une femme dans cet état. Mika se traîne donc sur cette route, et elle apprend ainsi à mesurer l'étendue de la lâcheté, l'immense laideur des pleutres, jusqu'à ce qu'un homme, bravant le danger et la rage sanguinaire des carnassiers, s'arrête. Il est médecin. Il a passé presque toute la nuit au chevet d'un patient et revient un peu avant l'aube. Il vient à peine de tourner au coin d'une rue, n'a pas roulé trois cents mètres, lorsqu'il entend une femme hurler. C'est une voix déformée par la peur, une voix inoubliable, explique-t-il par la suite à Mika. Elle supplie, cognant aux portes obstinément closes, de faire venir une ambulance. »